« Le plus précieux cadeau que nous puissions offrir aux autres est notre présence. Quand la pleine conscience prend dans ses bras ceux que nous aimons, ils se mettent à éclore comme des fleurs. »   - Thich Nhat Hanh

 « Les meilleurs enseignants sont ceux qui te montrent où regarder, mais ne te disent pas quoi voir. »  - Alexandra K. Trenfor

Il est 7 heures et comme tous les matins, je suis en route vers la gare sur mon vélo. Les premiers gels de l’année se sont installés. L’air froid gorgé des odeurs de terre et d’herbe humide envahi mes narines et la brise glacée caressant mon visage achève de m’éveiller. Le brouillard qui recouvre les champs se laisse percer par la lumière de l’aube automnale et, devant moi, le soleil se lève dans une explosion de couleurs de feu. Je suis bien…

Ce premier bout de vie démontre ce qui est pour moi un des bienfaits principaux de la pleine conscience. Les petits bonheurs! Oh bien sur, ces petits bonheurs ont toujours étés là. Moi je n’était pas là! J’étais dans mes pensées, dans mon train qui ne m’attendra pas et mon travail qui lui, c’est certain, m’attend… Mais aujourd’hui je suis bien… Aujourd’hui, la pleine conscience m’invite à être là, consciement là! Elle m’invite à regarder et non pas voir!

Mon collègue entreprend de m’expliquer son point de vue, mon cerveau démarre au quart de tour, direction une réponse! Il me présente un problème? direction la solution! il est devant moi, ses lèvres bougent, il parle et certes je l’entends mais je suis dans mon histoire, dans ma course folle. Je n’essaye pas de le comprendre, je veux lui répondre…

Cette scène je l’ai vécue des centaines de fois et en toute honnêteté, je la vis encore. Mais parfois, de plus en plus, la pratique aidant, je vais arrêter ma course folle, sourire et re-poser mon attention sur mon collègue. Re-poser mon attention sur sa vision des choses, je vais me permettre d’élargir ma compréhension de la situation, je vais m’ouvrir à l’autre et à ce dont il a besoin… la réponse attendra, la solution attendra et, sans doute n’en sera-t-elle que meilleur ou peut-être, simplement, n’était-elle pas nécéssaire. Peut-être devais-je être là et l’écouter. Aujourd’hui La pleine conscience m’invite à être là, consciement là! Elle m’invite à écouter et non pas entendre!

A force de pratiques formelles et informelles où je m’efforçe d’être en pleine conscience, je découvre bientôt des parties de moi que j’ignorais ou choisissais d’ignorer, mes mécanismes internes :

  • Je n’essaye pas d’écouter, j’essaye de répondre.
  • Je n’accueille pas le changement, j’y résiste.
  • Je ne me réjouis pas simplement du succès des autres, je me compare à eux.

ou d’autres plus subtils :

  • Je me sens agressé dans telle ou telle situation.
  • Un événement m’a blessé et je garde de la rancune.
  • Le bruit me stresse et me rend agressif.

Je suis en colère, je suis triste, je suis stressé, j’agresse et regrette. Je suis balancé dans une tempête d’émotions au gré d’événements dont je n’ai pas le contrôle et qui régissent ma vie…

Doucement, pratique après pratique, tempête après tempête, j’apprends à les reconnaître, à en reconnaître les signes précurseurs et les émotions… J’apprends jour après jour à manier le gouvernail de ma vie et de mes émotions.

Aujourd’hui, la pleine conscience m’invite à être là, consciement là! Elle m’invite à agir et non pas réagir!

Mes collègues étudiants du premier module MBLC et moi venons d’arriver au centre tibétain, un lieu issu du mariage entre une maison bruxelloise et un temple bouddhiste, entre des peintures et tapisseries tibétaines venant compléter les moulures du plafond sans doute à la vogue au milieu du 20ème siècle. Le tout, étonnement, forme un ensemble harmonieux et nous nous y sentons accueillis, le lieu invite à l’apaisement. Malgré cela, la course du matin et l’anticipation de la formation à venir imprime encore leurs empreintes sur moi quand nous sommes invités à nous assoir pour la première méditation du weekend.

Une fois assis en cercle, l’énergie qui rayonne de ce groupe me porte dans ma méditation, c’est à la fois motivant et apaisant. Le groupe m’aide aussi à me situer dans ce nouvel espace.

Le premier dialogue exploratoire commence. Dans ce moment ou la bienveillance a un role centrale, le but n’est pas de trouver de solution ou de réponse mais bien, comme le nom l’indique, d’explorer! Nous sommes donc pour un moment les explorateurs de notre expérience. Un premier témoignage : « La méditation était difficile, mes histoires ont pris le dessus». Un bref échange et quelques questions plus tard et j’ai appris que nous n’avons rien à réussir, qu’il n’y a pas d’enjeu et que nous sommes ici pour apprendre et partager notre expérience. En fait, j’ai aussi appris que je ne suis pas seul et que mes collègues ont les mêmes difficultés que moi. Nous sommes tous des humains accompagnés de notre « monkey brain » personnel.

La journée continue, Ce groupe me semble accélérer ma réflexion, par exemple une question posée par un de mes camarades m’a permis de clarifier ce « je ne sais quoi » que je percevais sans pouvoir l’exprimer. Certaines questions ou certains témoignages me surprennent, élargissent ma compréhension en me confirmant également au passage que nous sommes tous humains certes mais nous somme tous différents, nous avons chacun nos histoires et nos mécanismes internes. Dans ce groupe ou plutôt, grâce à ce groupe, J’accueille avec bienveillance les autres et leurs différences

En fait, sur beaucoup d’aspects, ces groupes formés à l’occasion des modules MBLC ont été pour moi des bulles sécurisées et bienveillantes pour avancer dans mon apprentissage. Il m’ont ouvert des portes, donné des pistes et des valeurs d’ouverture à la différence et de bienveillance qui sont aujourd’hui centrales dans ma vie. Depuis quelques années, la pleine conscience nous accompagne moi et, à travers moi, mon entourage par ses bienfaits dont j’ai cité quelques exemples marquants et que je continue à découvrir au fil des jours sur mon chemin de vie. Aussi il me semble naturel aujourd’hui, par ma démarche vers le statut d’enseignant, d’aider un groupe de nouveaux explorateurs à construire leur bulle de bienveillance pour qu’ils puissent eux aussi reprendre le gouvernail de leurs vies respectives et, tous ensemble, avancer sur le chemin vers le « ici et maintenant ».

Christian Olivier